récit de
voyage, www.oolala.fr
Village
andin de Tingo, Pérou, le 17 août 2001
Je me suis
arrêté 3 jours dans ce petit village pour aller voir la forteresse
pré-inca de Kuelap, perchée plus haut dans les montagnes. Le village
est situé au bord d'une rivière, il est constitué d'une vingtaine
de maisons et il n'y a pas d'électricité. Vendredi, je me prépare
à prendre le bus pour Cajamarca mais
l'heure de passage du bus n'est pas vraiment définie. Le garde de
la police nationale m'assure qu'il passe à 10 heures, l'épicière
est certaine que c'est plutôt à 14 heures et la cuisinière du boui-boui
local pense que ce n'est pas le vendredi qu'il passe mais plutôt
le samedi.
J'attends donc ce bus improbable sur le banc en face de l'épicerie
et Juan me tient compagnie. Nous discutons des cultures Pré-Incas,
de l'invasion des Incas puis des conquistadors espagnols, de la
situation économique du Pérou, du Sentier Lumineux, de la politique
en France, du coût de la vie et des revenus, des impôts, de tout
ce qui nous vient à l'esprit vu que, a priori, j'ai pas mal de temps
devant moi.
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D'un coup, je vois son regard
qui s'illumine et il change complètement de sujet :
"Tu sais quel est le groupe de musique français qui est très connu
au Pérou et que les gens ici apprécient vraiment beaucoup ?".
Dans ma tête je penche pour Manu Chao qui fait un carton en Equateur
ou a Francis Cabrel qui a eu la commerciale idée de chanter en
espagnol. Et voila Juan, 54 ans et bientôt a la retraite, qui
m'entonne ce petit air : "C'est à Canary Bay, ouh! ouh ! Des filles
qui vivaient, par milliers..." avec les ouh ! ouh ! repris en
cour par ses deux fils qui eux aussi ont l air d'apprécier.
Je n'en crois pas mes oreilles, je suis planté dans un village
de montagne péruvien loin de tout et pour
me rappeler mon pays on me chante Indochine, seul groupe connu
et véritable étendard de la musique française au Pérou !
Et j'imagine les paysans cultivant leur champ en fredonnant "passe
le cap de l'ouragan, l'endroit perdu, isole au bout des mers"
et s'arrêtant de bêcher pour lever le bras et tous ensemble faire
un "eh ! eh !" avec un petit mouvement de jambes...
Finalement, le bus arrive et me tire de cette hallucination, et
j'embarque pour une douzaine d'heures à travers les routes poussiéreuses
et sinueuses de montagne. Pendant tout le trajet évidemment, je
n'entendais qu'une seule musique...
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